Essai Suzuki DL V-Strom 1000 ABS
Afflux d’énergie
Modernisée et plus puissante, la Suzuki DL1000 V-Strom fait un retour remarqué sur le segment très concurrentiel et prisé des maxi trails GT. Elle aura certes fort à faire face aux cadors de la catégorie, BMW R1200 GS en tête, mais elle peut assurément compter sur son rapport qualité/prix des plus avantageux…
Retirée du catalogue Suzuki en 2008 en raison de normes antipollution devenues plus drastiques (Euro 3), la DL1000 reprend du service et nous revient même en pleine forme.
Outre son design modernisé, mais toujours inspiré par la baroudeuse DR 750 S de 1988, la V-Strom 2014 profite d’une motorisation bicylindre en V à 90°, à double ACT et culasses 4 soupapes, entièrement revue. Sa cylindrée passe en effet de 996 à 1037 cm3, avec un gain de puissance de 4 chevaux (100 ch à 8000 tr/min) et 2 Nm de couple maxi supplémentaire (103 Nm à 4000 tr/min), obtenu 2400 tr/min plus tôt qu’avant. Son fonctionnement est optimisé par l’adoption d’un double allumage, d’un boîtier ECM 32 bits, d’un système d’injection à double papillon et injecteurs à 10 orifices (4 précédemment), lesquels contribuent à une sérieuse baisse de consommation (-16% au test WMTC).
De nombreuses pièces sont améliorées pour réduire les pertes par frottement et atteindre cet objectif, parmi lesquelles : culasses, cylindres, pistons, segments, axe de piston, bielles, vilebrequin, boîte à air, alternateur et volant, embrayage, 6ème rapport et bougies. Le système ISC intégré au corps d’injection facilite les démarrages à froid et la tenue du ralenti, tandis que la cellule redresseuse du régulateur déconnecte l’alternateur lorsque celui-ci ne fournit pas de courant, ce qui favorise le couple moteur en réduisant les pertes mécaniques. Signe des temps, la V-Strom se voit greffer de série un contrôle de traction débrayable et réglable en deux modes au guidon. Un embrayage SCAS (Suzuki Clutch Assist System) à commande hydraulique minimise par ailleurs l’effort nécessaire au levier gauche lors d’un changement de rapport et prévient le drible de la roue arrière au rétrogradage.
La partie-cycle évolue également et gagne en vivacité comme en rigueur, avec un angle de chasse raccourci (-1°), un empattement allongé (+20mm) et une nouvelle répartition des masses favorisant l’agilité de l’engin dans les enchaînements. Le cadre double poutre aluminium reste associé à un bras oscillant aluminium extrudé et des jantes alliage à 10 branches de 19 et 17 pouces, mais l’ensemble s’allège de 8 kilos (228 kg en ordre de marche) grâce notamment à l’utilisation d’un système de refroidissement simplifié et un silencieux d’échappement unique. On note aussi l’apparition d’une nouvelle fourche inversée KYB de 43 mm anodisée or, entièrement réglable, ainsi qu’un monoamortisseur progressif réglable en précontrainte (22 crans) via une large molette déportée, placée à l’arrière gauche.
La nouvelle DL1000 V-Strom se dote en outre d’un freinage plus sécurisant, avec un double disque avant de 310 mm pincés par des étriers monobloc Tokico 4 pistons à montage radial, un disque arrière de 260 mm à étrier Nissin simple piston, le tout assisté par un ABS Bosch présent de série.
Découverte
C’est à Almeria, en Espagne, que nous faisons connaissance avec cette DL1000 V-Strom ABS de nouvelle génération. Celle-ci adopte un nouveau look, différent de celui de sa cadette DL650 et de l’ancienne DL1000, avec un phare à double optiques superposées, plus fin et élégant, qui surplombe une avancée de carénage façon “bec de canard”, caractéristique de la “Big DR” (DR750S) de 1988. Un clin d’œil au passé qui souligne le coté baroudeur et les capacités “off-road” inscrites dans les gènes de l’engin, sans aller toutefois jusqu’à utiliser des jantes à rayons.
Le carénage avant perd en volume, tout comme le réservoir qui perd 2 litres de capacité. Il est surmonté d’une bulle d’origine plus étroite, de forme plus complexe, réglable en inclinaison (3 angles) sans outils et en hauteur (3 positions) avec une clé six pans. Les experts remarqueront la disparation du radiateur d’huile, rendu inutile par l’adoption d’un refroidissement 100% par eau plus efficace, mais aussi l’absence de sabot moteur et de protèges mains, proposés en option.
La partie arrière s’affine elle aussi grâce au positionnement bas du silencieux d’échappement (à l’esthétique discutable), ainsi placé pour faciliter l’ajout de valises latérales de 29 et 26 litres (coté droit) optionnelles. Un nouveau porte-paquet intégrant de larges poignées de maintien passager surélevées et des ergots d’arrimage permet quant à lui la pose d’un kit top-case de 35 litres. Ces éléments robustes en polypropylène, agrémentés de panneaux aluminium, reprennent le style général de la moto et se verrouillent bien sûr avec la clé de contact, tout comme le bouchon de réservoir d’essence de type aviation. Un feu arrière à leds parachève le tableau, un peu terni par de larges clignotants avant/arrière disgracieux. Comme pour la précédente DL1000, la béquille centrale est proposée en option afin de faciliter les opérations de maintenance (cf tableau des options).
En selle
En prenant place à bord de la DL1000 V-Strom ABS, on se retrouve face à un tableau de bord compact et bien intégré, particulièrement bien achalandé et réglable en luminosité. Il comprend un large compte-tours analogique associé à un cadran digital en deux parties. Tachymètre et indicateur de rapport engagé d’une part, tension de batterie, consommation moyenne et instantanée, autonomie restante, horloge, température extérieure avec indicateur de gel, odomètre et trips, indicateur de rapport engagé et de mode de contrôle de traction sélectionné, jauges de carburant et de température d’eau, plus voyants divers d’autre part. Il surplombe une prise 12 volts, bien pratique pour alimenter un GPS ou d’autres instruments additionnels.
Un large guidon accueille des commodos ergonomiques et faciles à manipuler. Coupe-contact et démarreur à main droite, appel de phare, clignotants, klaxon et commande de changement de mode de contrôle de traction à main gauche. Les poignées de frein et d’embrayage sont bien sûr réglables en écartement.
L’assise proposée est plutôt confortable, avec une selle large et moelleuse culminant à 850 mm, qui permet aux personnes de gabarit standard (1,70 m) de presque poser les deux pieds au sol (mais pas à plat). Ceci d’autant plus facilement que cette selle est affinée dans sa partie avant pour faciliter l’exercice. La partie arrière dédiée au passager s’avère aussi bien rembourrée et suffisamment large pour fournir un confort appréciable à celui-ci, en accord avec de larges poignées de maintien et des repose-pieds escamotables bien positionnés. La position de conduite est légèrement plus droite que sur l’ancien modèle, avec un guidon plus proche et des repose-pied conducteur reculés de 15 mm. Même chose pour le passager, avec des repose-pied relevés (+33,1mm) et avancés (+7,7mm).
En ville
Moteur en marche, la nouvelle V-Strom se manifeste par une sonorité d’échappement rauque mais discrète, à peine plus prononcée que celle de la DL650. Dès les premiers tours de roues, on remarque la maniabilité accrue de ce millésime en cycle urbain, par rapport à son prédécesseur. Très stable à basse vitesse, la DL1000 se manœuvre sans appréhension grâce à son centre de gravité abaissé et son rayon de braquage plus qu’honorable, qui permet d’effectuer un demi-tour sans s’y reprendre à plusieurs fois. Des manœuvres facilitées par une motorisation relativement docile, qui accepte de cruiser à bas régimes sur les premiers rapports sans trop cogner et se contrôle facilement à l’embrayage. Les vibrations sont bien filtrées à ces allures, même en sous-régime. Il suffit d’un filet de gaz supplémentaire pour amorcer une montée en régime puissante et linéaire quel que soit le rapport engagé.
L’étagement de boîte est régulier et bien équilibré, avec une sélection douce et précise qui autorise des montées de rapport sans utiliser le levier d’embrayage. Une petite baisse du régime de gaz suffit. Au feu, mon 1m78 me permet de poser les deux pointes de pieds au sol, pas à plat (je dois être court sur patte car un collègue à peine plus grand y arrive). La DL1000 bondit à la moindre sollicitation franche de l’accélérateur, quitte à lever sa roue avant au ciel sur les premiers rapports si l’on y met un peu trop d’ardeur et que l’antipatinage est désactivé. L’inscription en courbe est ronde et naturelle, sans retenue ni vivacité excessive. Une sensation de facilité en partie due à la nouvelle monte pneumatique Bridgestone BW (Battle Wing) 501 et 502, qui contribue visiblement à l’agrément d’utilisation et au confort de conduite, malgré une montée en température un peu lente.
Autoroute et voies rapides
Dès que l’horizon se dégage, les 100 chevaux de la DL1000 s’expriment sans autre retenue que celle de leur cavalier, tout de même soucieux de conserver son permis de chevaucher… Mais bon, chassez le naturel et il revient au galop ! Au premier bout droit offrant une bonne visibilité les rapports s’empilent rapidement pour obtenir en bout de ligne droite une vitesse de pointe compteur de 205 km/h, sur le 4ème rapport ! Un maxi non renouvelé ni dépassé sur le reste du parcours, même sur voie rapide où le compteur peinait cette fois à atteindre 198 km/h en sixième (sans doute l’effet du vent de face, bien établi). Pour autant, la puissance disponible est largement suffisante pour cruiser à bonne allure sur autoroute tout en conservant une réserve de puissance appréciable. En usage “raisonnable”, calé aux environs de 150 km sur le sixième rapport, une petite rotation supplémentaire de la poignée suffit pour effectuer sereinement un dépassement impromptu, quitte à passer en 5ème pour obtenir une relance plus vive.
La stabilité de l’engin à haute vitesse est excellente, même avec armes et bagages, ce que nous avons pu vérifier en empruntant la DL1000 entièrement équipée de notre ouvreur, avec valises et top-case peu chargés. Pas de délestage sensible de l’avant à haute vitesse, pas de mouvements parasites, a priori ces éléments sont parfaitement intégrés. La protection au vent de la bulle d’origine s’avère pour sa part correcte à haute vitesse, malgré une petite zone de turbulences sur le haut du casque, aussi bien avec la bulle en position basse que haute, quelle que soit l’inclinaison de celle-ci. La bulle Touring optionnelle, un peu plus haute et large dans sa partie basse, améliore heureusement ce point. Les jambes du conducteur sont bien protégées derrière les flancs étroitisés du réservoir, tout au moins du vent et de la fraicheur matinale. Quid de la pluie et des éventuelles projections ? A valider lors d’un prochain essai.
Départementales
Sur petites routes, le recentrage des masses et l’agilité accrue du train avant font merveille, la DL1000 se jetant sans retenue en courbe et passant d’un angle à l’autre avec une facilité déconcertante. Le grip des Bridgestone BW est très correct sur le sec, avec un bon retour d’information au guidon qui met rapidement en confiance. Une confiance d’autant plus grande que la présence du contrôle de traction rassure et minimise le risque de perte d’adhérence lors d’une remise des gaz trop franche ou au passage d’une zone humide ou poussiéreuse. Le système analyse le différentiel de vitesse des roues toutes les 4 millisecondes et gère l’allumage en conséquence.
Peu intrusif en mode 1, qui autorise un certain degré de patinage de la roue arrière, le système réagit par contre à la moindre alerte en mode 2, ce qui pourra s’avérer frustrant pour les conducteurs les plus aguerris. Ceux-ci peuvent heureusement désactiver complètement l’antipatinage pour effectuer toutes leurs facéties en conduite “sportive”, où cette même monte pneumatique montrera par contre plus rapidement ses limites. Au cours de cet essai, le système ne s’est déclenché que deux fois, malgré une conduite relativement débridée sur les petites routes de montagne et quelques traces d’humidité résiduelles le matin.
Au final, ce contrôle de traction Suzuki affiche une bonne efficacité sur le sec. Reste à le tester lui aussi sur routes détrempées par la pluie pour le valider à 100%.
Du coté des suspensions le constat est très positif, avec une fourche KYB entièrement réglable, renforcée par un piston interne plus grand. Son réglage standard convient à un large type de conduites, de la plus coulée à la plus incisive. Elle réagit très sainement aux contraintes brutales, tout en absorbant efficacement les petites imperfections du revêtement routier. L’amortisseur arrière, réglé comme la fourche à la moitié de son amplitude des réglages hydraulique et de précharge (11ème cran sur 22), contribue tout autant au confort de conduite qu’à l’excellente tenue de route de l’engin. En duo, il suffit de renforcer la précharge via la molette dédiée (coté gauche), ce qui s’effectue très rapidement.
Confort
Au terme d’un essai de 342 kilomètres alternant entre ville, petites routes de montagne et voies rapides, force est de reconnaître que la selle d’origine présente un confort d’excellente facture et une bonne ergonomie générale, tant pour le conducteur que son passager. La position de conduite est détendue et relax, offrant un excellent contrôle de l’engin en conduite pépère comme en conduite “sportive”. Le passager est pour sa part logé à bonne enseigne, légèrement surélevé, avec une assise confortable au revêtement antidérapant et de larges poignées de maintien latérales bien positionnées. Le positionnement de ses jambes est tout aussi pertinent.
Freinage
Puissant, le freinage de la DL1000 V-Strom ABS présente un mordant appréciable et une bonne endurance en usage intensif. Un doigt suffit pour “planter” l’avant et obtenir un fort ralentissement, un peu plus lorsqu’il s’agit de s’arrêter d’urgence sur autoroute lorsqu’on est lancé à pleine vitesse. Le freinage au pied de l’arrière est heureusement efficace et complète parfaitement la capacité de freinage de l’engin dans ce contexte, d’autant mieux que l’ensemble est assisté par un ABS Bosch peu intrusif sur terrain sec. Il est par ailleurs possible de s’aider du frein arrière pour “asseoir” un peu mieux la moto en courbe sans intervention intempestive de l’ABS, l’usage du frein avant accélérant pour sa part le transfert de masse et la bascule du train avant lors d’un changement d’angle rapide.
Consommation
Le constructeur japonais annonce une baisse de consommation de 16% et 4,78 l/100 km au test de consommation normalisé WMTC. Au terme de ces 342 km en terres ibériques, nous avons pour notre part relevé une conso moyenne de 7,2 l/100 km en effectuant un calcul à chaque ravitaillement, mesure quasi identique à celle affichée au tableau de bord par l’indicateur de conso moyenne qui indiquait pour sa part 7 l/100 km. Du coup, l’autonomie moyenne de la DL1000 V-Strom ABS 2014 s’établit aux environs de 278 km avec les 20 litres contenus dans le réservoir (à ces allures rapides). A un rythme plus raisonnable, on peut à priori tabler sur une conso d’environ 6 litres aux 100 km et plus de 330 km d’autonomie.
Conclusion
Avec le retour de la DL1000, Suzuki dispose de nouveau d’une offre pertinente sur le segment des trails GT. On peut légitimement hésiter entre les deux modèles proposés DL 650 et DL 1000, car chacun dispose d’arguments convaincants : prix plus abordable, légèreté et simplicité pour la DL650 (8199 €) ; look modernisé, partie-cycle plus rigoureuse, motorisation bonifiée et contrôle de traction pour la DL1000 (12 499 €). 4000 € d’écart tout de même. Tout dépend en fait de l’usage que vous souhaitez faire de votre moto, sachant que la DL650 sera à priori la plus polyvalente et économique au quotidien pour affronter la ville et sa périphérie, tandis que la DL1000 permettra aux voyageurs au long cours d’emprunter tout type de route avec un confort et une sécurité accrue. Tout en restant bien sûr capable d’assumer le rôle de la cadette s’il nécessaire. Bref, on en revient une fois de plus à une histoire de pouvoir d’achat car, au final, qui peut le plus, peut le plus !
Ce retour de la DL1000 V-Strom s’annonce donc sous les meilleurs auspices, surtout face à des rivales généralement plus cossues et surtout plus onéreuses. Plus légère, puissante, économe et dotée d’un look modernisé, elle propose une alternative intéressante aux maxi trails existants.
La DL1000 V-Strom ABS sera disponible en concession en janvier 2014 au prix de 12 499 €. Elle sera proposée en plusieurs finitions : Standard ; Urban (sabot, protèges mains et sacoche réservoir) ; Adventure (sabot, protèges mains, bulle touring, béquille centrale, kit top-case, clignotants led) et Tourer (Adventure + pare carters + kit de bagagerie complet + protection de réservoir + stickers). Suzuki France espère en vendre de 1000 à 1500 exemplaires en 2014, qui viendront grossir le score d’environ 187.000 V-Strom (140 800 DL650 et 46 200 DL1000) vendues dans le monde entre 2002 et 2012.
POINTS FORTS
Polyvalence
Agilité et maniabilité
Antipatinage
Freinage sécurisant
Rapport qualité/prix
POINTS FAIBLES
Souplesse à bas régimes sur rapports intermédiaires
Conso encore élevée
Pas de centrale de série
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